Inscriptions datées à Reignac

Le site de Reignac est dominé par une grande et belle maison fortifiée plaquée contre une falaise au relief tourmenté. Le bâtiment, intimement lié au rocher, se compose d'une grande façade de 25 mètres de longueur et, sur la gauche, d'un corps légèrement sortant, large de 7,5 mètres, dont le mur en retour s'appuie à la falaise.
 
L'ensemble paraît dater de l'orée du XVIe siècle, avec quelques remaniements postérieurs : maintes ouvertures ont perdu leurs meneaux, l'angle supérieur droit de la façade a été repris et l'escalier intérieur anciennement reconstruit. A noter une curieuse disposition dans la grande salle du rez-de-chaussée : des meurtrières ébrasées vers le creux de l'abri qui existe derrière la maison-forte. Comme nous l'a suggéré J. Clémens, il se peut que cette bâtisse ait pris la place d'un repaire plus ancien (XIVe siècle?) qu'une étude plus attentive et des fouilles aux abords permettraient peut-être de révéler.
 
Nous ignorons tout de l'histoire de Reignac, excepté ce que nous en dit Louis Desvergnes : des descendants de Jean Bart y résidèrent de 1756 à 1825, comme à Marzac tout proche où s'installa Marie de Labarthe, petite-fille du célèbre navigateur Jean Maubourguet nous apprend aussi que Reignac eut auparavant comme seigneurs les Calvimont de Lerm.
 
La première date, remarquée dans la lumière frisante d'un coucher de soleil par J.R.L., est dans l'ébrasement de la baie située à l'extrême droite de la façade, au rez-de-chaussée, sur l'une des belles pierres de taille en moyen appareil. La date -1508- est gravée dans un cartouche rectangulaire surmonté d'une fleur de lys à chaque angle supérieur (fig.1). Deux trous de trépan mordent sur le cadre du cartouche, à l'angle inférieur gauche et au tiers supérieur du bord droit. Une autre cupule profonde est à 3 cm au-dessous du cartouche.
Cette inscription, soigneusement gravée, semble bien contemporaine de la construction et la date s'accorde au style de transition de cette grande façade encore sur la défensive avec ses meurtrières et ses corbeaux de machicoulis surplombant les portes, mais adoucie par l'harmonieuse disposition de nombreuses baies à meneaux.
 
Devant la maison-forte, une terrasse longue de 45 mètres, large de 12 à 15 (terrasse moyenne de nos descriptions) est parementée et contrebutée en avant par une muraille en gros et moyen appareil, sorte de rempart de 4 mètres de hauteur.
  
A droite et à gauche, la terrasse est limitée par des murs aujourd'hui partiellement ruinés dans lesquels s'ouvraient deux portes en plein cintre. L'arc de gauche a disparu mais il est attesté par une peinture du début de ce siècle, et l'on en voit encore le premier claveau en pénétration sur l'un des pieds-droits. L'arc de droite, intact, est à simple rangée de voussoirs. Sur la face opposée à la terrasse, sa clef porte une inscription profondément gravée sur un bossage trapézoïdal (fig.2). Bien qu'assez érodée par le intempéries, l'inscription se lit encore aisément : INMOT/MANEBIT/1667, que l'on peut traduire par "elle demeurera inchangée". Par suite d'une maladresse du lapicide, le T de manebit sort du cadre et se trouve sur le pan coupé du passage.
 
Cette inscription date donc le portail et du même coup sans doute l'aménagement de cette terrasse devant la maison-forte. Elle est de peu postérieure à l'arrivée de la famille de Jean Bart à Marzac et à Reignac, ce qui laisserait logiquement penser que les nouveaux occupants on tenté de donner un visage plus aimable à ce repaire par trop rude et rocailleux.
Alain Roussot et Julia Roussot-Larroque.